Burundi : les femmes endurent tout faute de terres

Article de Eric Nshemerimana

Syfia/PMB




Battues, blessĂ©es, humiliĂ©es, les femmes rurales du Burundi subissent des maltraitances sans nom. N’ayant pas le droit d’hĂ©riter, elles n’osent cependant pas quitter leurs maris, car elles ne savent pas oĂą aller. "Quitter mon mari ? Pour aller oĂą ? Mes frères ont dĂ©jĂ  partagĂ© toute la propriĂ©té… OĂą irai-je si je quitte cet homme ?", s’interroge, dĂ©sespĂ©rĂ©e, Daphrose, une femme de la colline Kinyana en province de Ngozi au nord du Burundi. Son mari venait de la frapper en pleine journĂ©e et sous l’œil des voisins. Pour elle, ĂŞtre battue est devenu presque une habitude. MariĂ©e depuis 25 ans, elle est bastonnĂ©e depuis 19 ans… Elle n’est pas la seule dans les collines Ă  endurer un tel calvaire, courant dans la rĂ©gion. De nombreuses femmes rurales qui ne trouvent pas de terres, chez elles, pour s’installer en cas de mĂ©sentente dans leur foyer sont obligĂ©es de subir les maltraitances infligĂ©es par leurs Ă©poux. En effet, selon la culture burundaise, seuls les garçons ont le droit de se partager la propriĂ©tĂ© de leurs parents. Les filles, elles, n’hĂ©ritent que d’une petite part : de quoi construire une maison et faire un petit champ. Lorsqu’une femme est acculĂ©e Ă  retourner chez elle, elle loge chez son frère, mais la cohabitation avec les belles sĹ“urs s’avère souvent impossible, comme le confirme une femme de la commune de Muyinga.

"C’est ainsi que se bâtissent les foyers" N’ayant donc pas d’endroit oĂą se rĂ©fugier, les femmes sont obligĂ©es de subir. Ainsi, près de deux femmes sur trois interrogĂ©es sur trois collines dans trois communes diffĂ©rentes affirment qu’elles doivent s’incliner devant leurs maris, mĂŞme quand ils sont fautifs. Attitude en phase avec le principe souvent entendu invitant Ă  la totale docilitĂ© : "C’est ainsi que se bâtissent les foyers." La seule chose qu’elles peuvent faire, c’est…se plaindre. "Je nourris seule toute ma famille, y compris mon mari qui ne contribue presque pas alors que c’est lui qui devrait le faire en premier lieu", confie une femme de la province de Ngozi. Prendre en charge seules leurs familles est en effet l’une des violences les plus frĂ©quentes que subissent les femmes en milieu rural. Nombreux sont les hommes qui laissent leurs Ă©pouses s’occuper des activitĂ©s mĂ©nagères et champĂŞtres, pendant qu’eux se promènent. D’autres vont jusqu’Ă  voler les provisions alimentaires et c’est toujours la femme qui en subit les consĂ©quences. D’autres encore s’endettent en s’enivrant quotidiennement et se dĂ©chaĂ®nent ensuite sur leurs femmes jusqu’à les blesser. Selon Ernest Kamwenubusa de la sociĂ©tĂ© civile, les cas d’hommes prodigues qui leur parviennent sont très nombreux. Les brutalitĂ©s Ă  l’égard des femmes vont jusqu’à des tentatives d’assassinats. DĂ©but mars 2011, sur la colline Ruyange en commune de Gashikanwa, un homme a poignardĂ© sa femme. La mĂ©sentente durait depuis plus de cinq ans et le mari la menaçait souvent de la tuer. Des femmes sont aussi rejetĂ©es par leurs frères. En mars dernier, sur la colline Kavumu, un homme a tuĂ© sa sĹ“ur Ă  cause d’un conflit foncier. La nouvelle loi sur l’hĂ©ritage qui devrait accorder quelques droits aux filles est attendue depuis 10 ans mais violemment contestĂ©e par de nombreux hommes. En attendant de très nombreuses femmes continueront Ă  subir violences physiques, psychologiques et Ă©conomiques.


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